Questions et réponses sur le 10 mai

Qui a décidé une nouvelle journée sur l’esclavage, et pourquoi ?

En France, les premières célébrations furent celles de l’abolition définitive de l’esclavage par la IIe République le 27 avril 1848. Il y avait déjà eu une première abolition le 4 février 1794 sous la Révolution, mais elle ne fut pas appliquée partout (elle ne le fut pas dans les colonies de l’Océan Indien ni en Martinique), et en 1802, il fut rétabli en Guadeloupe et en Guyane.

Le centenaire du décret d’abolition, signé par Arago, fut célébré à la Sorbonne en présence de Gaston Monnerville et Aimé Césaire. Mais ce fut dans une relative discrétion, et ce dernier souligna que cette date était "à la fois immense et insuffisante", car "le racisme n’est pas mort". Il subsistait une gêne à évoquer l’esclavage, et durant les années suivantes, aux Antilles, à la Réunion, on célébrait, au mieux, l’abolition et le rôle de "Papa Schoelcher", sans évoquer la longue histoire des résistances des esclaves, ni leurs créations originales, culturelles et sociales.

C’est dans les années 1970 que commença un travail de réappropriation de cette histoire et de valorisation des apports des esclaves. En 1983, une loi relative à la commémoration de l’abolition de l’esclavage institua une date fériée pour chaque département d’outre-mer et pour Mayotte, une sensibilisation des élèves dans les établissements scolaires le 27 avril. Elle posa aussi le principe de l’existence d’une date pour la métropole, mais sans la fixer. L’étape suivante fut le 150e anniversaire du 27 avril 1998, qui raviva le désir de faire mieux entendre, et durablement, la mémoire de l’esclavage et les séquelles de ce drame. Il ne s’agit pas d’une spécificité française. Un phénomène semblable pouvait être observé dans d’autres pays d’Afrique, Europe, Caraïbe, Amérique, Pacifique, et au niveau des institutions internationales, tant pour la traite et l’esclavage que pour d’autres blessures profondes de l’histoire et leurs sequelles, s’agissant des populations dites "autochtones" notamment, et de la reconnaissance de cultures malmenées, dominées, oubliées.

En France les élus relayèrent l’action des associations, pour aboutir à la loi n° 2001-434 du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage en tant que crime contre l’humanité. Son article 4 a modifié l’article unique de la loi du 30 juin 1983 en disposant qu’en France métropolitaine, la date de la commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage est fixée par le Gouvernement.

Le gouvernement a confié la mission de proposer une date au comité pour la mémoire de l’esclavage (CPME), dans le décret de 2004 qui conformément à la loi du 21 mai 2001 créait cette instance.

Après avoir analysé les différentes dates possibles et les enjeux de la commémoration, consulté les élus, les associations et procédé à des auditions, le CPME a proposé le 10 mai dans son premier rapport, rendu en avril 2005.

Le 30 janvier 2006, le Président de la République a retenu cette date, qu’un décret a institué le 31 mars suivant. Le premier 10 mai eut lieu en 2006.

Pourquoi le 10 mai ?

Le comité pouvait choisir entre plusieurs dates, car la complexité et la longueur de l’histoire de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions s’y prête. Il existe aussi des journées internationales fixées par les Nations-Unies sur ces thèmes, des journées liées à des mémoires particulières. Après réflexion et débats, il s’est donné des objectifs : "rappeler à la France qu’elle participa à la traite et à l’esclavage, inscrire symboliquement l’abolition dans le calendrier officiel des célébrations nationales, inviter l’ensemble des citoyens de la République française à se pencher chaque année solennelllement sur cette page douloureuse de son histoire, en favorisant à cette occasion la plus large diffusion d’un récit partagé". Il a cherché "une date de portée nationale et citoyenne susceptible de revêtir une dimension européenne et internationale".

Le 10 mai lui a paru répondre à ces objectifs, car il correspond au jour de 2001 où les élus de la République adoptèrent à l’unanimité, en dernière lecture au Sénat, la loi du 21 mai 2001, par laquelle la France est le premier Etat au monde à reconnaitre l’esclavage et la traite comme un crime contre l’humanité. Il correspond, aussi, à la célèbre proclamation de résistance et d’aspiration universelle à la liberté de Louis Delgrès le 10 mai 1802 lors du rétablissement de l’esclavage. Il met donc l’accent sur le passé et le présent, la lutte contre la servitude pour bâtir ensemble un monde, un avenir plus juste. Il permet de prendre en compte la globalité du fait esclavagiste et ses multiples facettes. Il constitue l’aboutissement d’un mouvement et d’une réflexion large et internationale sur les effets de la traite et de l’esclavage.

Pour en savoir davantage : lire l’article ci-contre qui reprend un extrait du rapport 2005 du Comité pour la mémoire de l’esclavage.

Quelles sont les autres dates de commémoration liées à l’esclavage ?

Elles sont nombreuses, et ont des statuts juridiques, un champ géographique et des thématiques très variables. Dans chaque pays lié à l’histoire de l’esclavage on trouve des dates particulières liées à sa propre histoire. Nous ne retiendrons ici que celles qui intéressent la France :

Les journées internationales

- La date du 2 décembre dite “Journée internationale pour l’abolition de l’esclavage” commémore la date anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations unies de la Convention pour la répression et l’abolition de la traite des êtres humains et de l’exploitation de la prostitution d’autrui. La célébration de cette journée, tout en s’inspirant de l’esprit de l’abolition de la traite des Noirs, actualise le combat permanent contre toutes les autres formes d’esclavage moderne qui privent de très nombreux êtres humains de leurs libertés et de leurs droits les plus élémentaires à la dignité.

- La date du 23 août de chaque année est célébrée à l’initiative de l’UNESCO, « La journée internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition ». La date du 23 août a une signification symbolique. C’est pendant la nuit du 22 au 23 août 1791 qu’a eu lieu à Saint-Domingue (actuellement Haïti et République dominicaine) un soulèvement d’esclaves qui a fortement influencé le processus d’abolition de la traite négrière dans l’ensemble des colonies européennes. Chaque année le Directeur général de l’UNESCO invite tous les états membres à organiser des activités et des événements commémoratifs pour marquer cette journée du 23 août.

le 4 février 1794 et le 27 avril 1848

Il s’agit des dates des deux décrets d’abolition de l’esclavage en France. Elles ont eu longtemps une force symbolique, mais qui faisait oublier qu’elles font partie d’un long cheminement, de nombreuses autres dates liées à des abolitions, rétablissements, et autres décisions sur la traite, le statut des esclaves et des affranchis, le statut colonial.

Ainsi l’esclavage avait déjà été aboli dans la colonie française de Saint-Domingue en 1793. Le décret de la Convention du 16 pluviose an II (4 février 1794) abolit l’esclavage dans les colonies françaises, mais il n’est appliqué qu’en Guadeloupe et Guyane. La Martinique est alors sous occupation anglaise ; à l’Île Bourbon, les colons s’y opposent.

La loi du 30 floréal an X (20 mai 1802) rétablit l’esclavage dans les colonies françaises conformément à la législation antérieure à 1789. Le 1er janvier 1804, Saint-Domingue prend son indépendance, sous le nom Haïti.

En 1831, une loi française interdit la traite négrière : c’est la troisième de ce type depuis 1818... La traite transatlantique, élément-clé de commerce national mais aussi international du système esclavagiste, faisait l’objet depuis plusieurs décennies d’interdictions diverses par certains pays et même de contrôle et de répression. Ainsi en 1807 par exemple les Etats-Unis avaient interdit l’importation d’esclaves et de captifs sur son sol, et la Grande-Bretagne, en 1807, interdit la traite négrière sur les côtes d’Afrique.

Le décret du 27 avril 1848 signé par le Gouvernement provisoire sous impulsion, notamment, de Victor Schoelcher, abolit l’esclavage dans les colonies françaises. Le statut colonial est maintenu.

Les dates des collectivités locales de l’outre-mer Les jours fériés de commémoration de l’abolition de l’esclavage pour les départements de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la Réunion ainsi que pour Mayotte ont été fixés par le décret n° 83-1003 du 23 novembre 1983 relatif à la commémoration de l’abolition de l’esclavage :
- Guadeloupe : 27 mai
- Guyane : 10 juin
- Martinique : 22 mai
- Réunion : 20 décembre
- Mayotte : 27 avril. Elles correspondent historiquement aux dates locales d’entrée en vigueur du décret du 27 avril 1848 relatif à l’abolition de l’esclavage. Le cas de la Martinique est particulier. C’est le 23 mai que le Gouverneur Rostoland abolit officiellement l’esclavage, mais cette décision avait été précédée les 21-22 mai d’une révolte des esclaves à Saint-Pierre et c’est en souvenir de cette résistance que la date du 22 mai a été préférée pour la commémoration en 1983.

Le 23 mai est aussi la date à laquelle certaines associations de métropole sont attachées en souvenir d’une manifestation tenue le 23 mai 1998 à Paris qui rassembla, pour une marche, des Antillais, Réunionnais et Africains à la date de l’abolition martiniquaise.

Parmi les autres jours de célébration et commémoration liées à l’esclavage, on trouve les dates de naissance et de mort de personnalités liées à cette histoire : Toussaint Louverture, Victor Schoelcher, Louis Delgrès par exemple. Elles sont célébrées tout particulièrement par les localités et régions où ils sont nés, ont vécu et sont mort, que ce soit en métropole ou bien outre-mer, mais aussi plus largement pour les cinquantenaires et leurs multiples. Il en est de même de quelques événements d’importance majeure qui ont jalonné cette histoire, comme l’avènement de la "première république noire". Ainsi, la France a inscrit dans son calendrier des célébrations nationales, en 2003, le bicentenaire de la mort de Toussaint Louverture (intervenue au fort de Joux, dans le Doubs) et en 2004, le bicentenaire de l’indépendance d’Haïti et celui de la naissance de V. Schoelcher. L’UNESCO a fait de la même année 2004 une grande année internationale autour de l’esclavage. L’Assemblée générale des Nations Unies a fait du 25 mars 2007 une Journée internationale de commémoration du bicentenaire de la traite transatlantique, et le Royaume-Uni a tenu à étendre ce Bicentenaire à l’ensemble de l’année.

Pour en savoir plus :

- voyez les deux chronologies présentes dans la rubrique "enseignement", tirées d’un ouvrage de Nelly Schmidt, membre du CPME.
- Le site de l’Assemblée nationale propose un dossier très complet qui reprend la chronologie de l’histoire de l’esclavage, en donnant accès aux débats parlementaires et aux textes législatifs qu’elle a suscités depuis 1794 pour chaque décision liée à la traite, à l’esclavage et à leurs abolitions, jusqu’à la loi de 2001 et aujourd’hui.

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/esclavage/abolition.asp

Qui organise le 10 mai ?

Le décret n°2006-388 du 31 mars 2006 qui fixe la date du 10 mai comme journée de commémoration annuelle précise que "chaque année, à cette date, une cérémonie est organisée à Paris. Une cérémonie analogue est organisée dans chaque département métropolitain à l’initiative du préfet ainsi que dans les lieux de mémoire de la traite et de l’esclavage".

Par ailleurs l’éducation nationale diffuse une circulaire chaque année auprès des académies et établissements scolaires pour préparer les deux journées liées à l’esclavage dans le calendrier scolaire, le 2 décembre et le 10 mai. Cette circulaire rappelle leur origine, leurs objectifs, et donne des pistes et des références de documents pédagogique sur le sujet (voir la rubrique "enseignement").

Il n’existe pas de liste officielle des lieux de mémoire de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, mais de nombreuses communes et sites liés à leur histoire ont instauré une cérémonie et de manifestations : villes portuaires (Nantes, Bordeaux...), villes liées à des personnalités (Houilles pour Schoelcher, Fort de Joux et Noé pour Toussaint, Villers-Cotterêts pour Dumas...).

Mais au delà de ce décret, comme le montrent les rapports annuels du comité, bien d’autres communes, des musées et autres institutions culturelles, des associations, des compagnies de danse, de théâtre, des universités..., dans tout l’hexagone et même outre-mer et à l’étranger (Sénégal) ont pris l’initiative de célèbrer cette journée.

Pour en savoir plus : La lettre au Premier ministre qui introduit le rapport de 2007 du comité pour la mémoire de l’esclavage contient une typologie des actions menées et des acteurs de la mémoire : rubrique "comité" puis "rapports".

Quel est l’intitulé de la journée ?

La loi du 30 juin 1983 qui a fixé les dates pour les collectivités locales d’outre-mer et la loi du 21 mai 2001 tendant à la reconnaissance de la traite et de l’esclavage comme crime contre l’humanité évoquent une date de commémoration annuelle de l’abolition de l’esclavage". Cependant, le comité pour la mémoire de l’ esclavage a suggéré un nom qui prenne le mieux possible en compte la complexité, la longueur (quatre siècles) de cette partie de notre histoire, et le long chemin, avec des avancées, des reculs, de sa condamnation morale par quelques voix, à sa suppression effective. D’autre part, l’une des critiques souvent adressées au 27 avril et de façon générale aux cérémonies et autres gestes de mémoire était de focaliser l’attention, de façon réductrice, sur l’abolition juridique de l’esclavage, présentée comme octroyée par le pouvoir politique, grâce à l’action d’un grand homme isolé (Schoelcher), au détriment de la vérité historique et notamment des nombreuses formes de résistance et des révoltes des victimes, et des multiples abolitions (de la traite, de l’asservissement) qui jalonnèrent le combat. Il convenait de tenir compte, aussi, de la multiplicité des "mémoires" différentes, notamment locales, liées à cette histoire. C’est pourquoi le CPME a proposé comme intitulé la "journée des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions".

Proposition reprise par le président de la République dans son allocution du 30 janvier 2006. Il y a évoqué la nécessité d’honorer le souvernir des esclaves et de commémorer l’abolition de l’esclavage" car "au delà de l’abolition, c’est aujourd’hui l’ensemble de la mémoire de l’esclavage longtemps refoulée qui doit entrer dans notre histoire : une mémoire qui doit être véritablement partagée".

On retrouve par exemple l’intitulé proposé par le CPME dans le titre du Guide des soureces de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions de la direction des Archives de France, paru en 2007.

En pratique, associations, enseignants et élèves, musées, communes ajoutent en sous-titre, souvent avec pertinence et force symbolique, des formules plus variées, imagées pour leurs exposition ou spectacles : "mémoire de l’esclavage", "Mémoire partagée", "Regards sur l’esclavage", "Visions d’esclavage", "Plurielle et singulière, Montpellier se souvient..."

Quelle est l’audience de cette journée du 10 mai ?

Elle s’est révélée très rapidement forte et étendue à la fois géographiquement et pour la variété des participants, signe qu’elle correspondait à une attente. Quasiment toutes les régions y participent, y compris outre-mer, et elle trouve même un écho durable au Sénégal, qui s’y associe chaque année depuis 2006. Le 10 mai n’est pas seulement une date pour la métropole comme on pouvait l’imaginer au départ, ce jour est devenu national, voire international, et les associations d’ultramarins en métropole y ont certainement joué un rôle majeur, soucieuse de répondre à l’esprit de la loi du 21 mai 2001, qui correspondait à leurs voeux, de partage de la mémoire avec la nation toute entière, tandis que nos compatriotes vivant outre-mer ont saisi ce jour non pas comme concurrent ou indifférent quant à leurs dates locales, mais comme complémentaire.

Plus d’une quinzaine de manifestations ont eu lieu à Paris le 10 mai 2006. En Ile-de-France, où résident, comme on sait, de très nombreux ultramarins, plus d’une vingtaine de communes s’y sont directement impliquées en 2006, par des cérémonies de recueillement rassemblant les élus, les associations, et des manifestations culturelles ou pédagogiques dans les bibliothèques, les musées, les salles de spectacles. On y trouve des villes que leur passé rend particulièrement réceptives (Drancy qui fut au coeur d’une autre tragédie, Houilles qui vit mourir Schoelcher...), mais aussi celles qui accueillent plus particulièrement une population et des associations liées à cette histoire, ou bien désireuses de la transmettre parce qu’elle est une part importante de notre histoire commune : Sarcelles, Saint-Denis, Cergy-Pontoise, Aubervilliers, Clichy-la-Garenne, l’Ile-Saint-Denis, Malakoff, Montreuil, Pantin, Evry... Sur le reste de l’hexagone, des ports de l’Atlantique (Nantes, Bordeaux, La Rochelle, Rochefort, Lorient, Dunkerque), mais aussi de Méditerranée (Marseille) y explorent leur passé négrier. Parmi les autres lieux de mémoire actifs pour le 10 mai ou toute l’année, on trouve la route des abolitions qui lie Champagney et Fort-de-Joux (Doubs), Emberménil (Meurthe et Moselle), Fessenheim (Haut-Rhin), le Château de Noé.

Mais le 10 mai est célébré bien au-delà des lieux historiques de mémoire, ce qui témoigne du caractère pleinement partagé de cette journée. Ainsi, dans l’Est de la France, Metz, Mulhouse, Nancy, Schierbach, Cronenbourg, Lunéville, Strasbourg. Dans l’Ouest, Bègles, Mérignac, Pessac, Cherbourg, Rouen... Dans le Sud, Vitrolles, Montpellier, Nice, Perpignan, Toulouse.. Au Nord, Lille, Villeneuve d’Ascq, Amiens, auxquels on peut ajouter Lyon, Vénissieux, Villeurbanne, Grenoble, Macon, Chambéry...

S’il est impressionnant, le nombre des communes impliquées ne suffit pas à rendre compte de l’audience du 10 mai. Dans son rapport sur l’année 2007, le CPME a dressé une typologie des manifestations qui révèle à quel point la société civile s’est approprié cette journée, relayée par les médias.

"Des ministères aux universités, des collectivités locales aux associations, des musées aux organisations professionnelles, des comités d’entreprise aux écoles, dans les médias, sur internet, de nombreuses initiatives ont témoigné de leur adhésion à la volonté de donner à cette histoire une dimension nationale. Des acteurs de la mémoire, pionniers en 2006, ont renouvelé l’opération, d’autres les ont rejoints (...) "Des associations ont modifié leur calendrier pour déplacer au 10 mai leurs événements habituels, d’autres ont bénéficié du temps nécessaire pour en concevoir de nouveaux.

L’édition 2007, en outre, a été marquée par la diffusion, à une heure de grande écoute, sur la chaîne publique France 3, d’une série de cinq épisodes, Tropiques Amers de Jean-Claude Barny, qui a connu un franc succès. Près de 4,7 millions de téléspectateurs l’ont regardée le premier soir, le 10 mai à 20h 55, contredisant ainsi les discours trop souvent ressassés sur l’absence d’intérêt du public français pour cette partie de notre histoire.

La typologie des événements et actions menés autour de cette journée se révèle très diversifiée par sa nature, ses contenus, son audience, et sa durée. L’ensemble de la métropole est concerné, mais aussi l’outre-mer, l’étranger.

Elle donne lieu à des cérémonies : inauguration de plaques, de stèles, de noms de rues ou de places, dépôt de gerbes, fleurs jetées dans les fleuves de la façade atlantique, marches de recueillement silencieuses. Sont honorés les ancêtres, les victimes, les révoltés, les militants des abolitions, anonymes ou célèbres. A ces hommages empreints de gravité s’ajoute un travail sur l’histoire et la mémoire : colloques, conférences scientifiques et de vulgarisation, tables rondes, expositions d’œuvres et archives anciennes ou récentes, projections de documentaires ou de fictions. Les instructions données dès 2005 au sein de l’Éducation nationale, le travail des inspections, des professeurs portent leurs fruits : les ressources pédagogiques mises à disposition des enseignants mais aussi des élèves, y compris sur la toile, sont en nette augmentation, ainsi que les activités proposées à l’école et hors temps scolaire. Enfin, le 10 mai est l’occasion d’exprimer et de partager, à travers des spectacles, une culture commune et des émotions : théâtre, concerts, contes, lectures, danse..., qui puisent dans des traditions, mais aussi la création contemporaine.

Pour le contenu, le 10 mai offre une large palette d’approches et de points de vue. Chronologie sur quatre siècles, focus sur des régions (Afrique, Antilles, Océan Indien, Europe), leurs spécificités, leurs liens complexes, sur l’histoire singulière de Haïti, sur des personnages (Saint-George, Solitude, Delgrès, Olympe de Gouges, Toussaint Louverture, Schœlcher, Rosa Parks...) ou des épisodes historiques (reconstitution du trajet d’un navire négrier ayant existé, rétablissement de l’esclavage en 1802...). L’étude des représentations collectives ou artistiques des Noirs et de l’esclavage, l’analyse du rôle économique des traites, de théories scientifiques et philosophiques servant à les justifier, des relations entre religion et esclavagisme, des difficultés rencontrées par les mouvements abolitionnistes, des conséquences des abolitions en termes d’accession à la citoyenneté et de recomposition de la vie sociale et économique, de migrations d’engagés, de séquelles, persistances et évolutions dans les mentalités... Le lien est également fait, très souvent, entre l’esclavage d’hier et ses formes contemporaines.

La durée des manifestations excède souvent la journée. A la fois pour des raisons matérielles dues aux programmations de salles et de tournées, d’expositions, pour se mobiliser le week-end quand le 10 tombe un jour de semaine, et pour donner davantage d’ampleur à l’événement. C’est de mi-avril à juin que prennent place en France les festivals, semaines ou mois consacrés à l’esclavage, mais sans exclusive, et il faut s’en féliciter.

Le 27 avril 2007, 159e anniversaire du décret de 1848 abolissant l’esclavage en France, n’a pas été oublié. L’orchestre Massak Afrolectric, ce jour-là, donnait un concert à la Scène Bastille de Paris, pour célébrer « l’homme libre, quelles que soient ses origines ». A titre d’exemple, la ville de Drancy, cette année, a choisi l’intervalle entre le 10 mai et le 21 juin fête de la musique. Aubervilliers a retenu l’espace entre le 23 avril et le 12 mai pour conjuguer deux expositions et la journée du 10 mai, un débat sur la place de l’histoire de l’esclavage intervenant également le 23 mai. La Guyane a repris pour cette seconde édition l’idée d’un « mois de la mémoire », entre le 10 mai et le 10 juin, date de l’abolition dans ce département. La Martinique a consacré les semaines de fin avril à juillet à une série de manifestations sur l’enseignement de l’histoire à l’école : un grand colloque, relayé à partir du 18 mai par une exposition qui a duré jusqu’en juillet.

Le 10 mai est aussi célébré à La Réunion, pourtant très attachée au 20 décembre date de l’avènement tant attendu de la liberté sur l’île : cette année, en partenariat avec le Rectorat et la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise, des élèves se sont réunis pour organiser un hommage choral à cent combattants de la liberté, esclaves rebelles, abolitionnistes… La Région Réunion a donné à un établissement le nom de Lycée du 10 mai. Pour ce nouveau rendez-vous, déjà marqué par plusieurs événements en 2006, l’objectif de la Région et des associations, conforme à l’esprit qui a présidé au choix du 10 mai, est de construire une mémoire partagée, de contribuer à faire prendre conscience, en métropole, que cet événement concerne toute la nation. Que ce n’est pas seulement l’histoire de l’Outre-mer, mais celle de la France toute entière, et de l’humanité".


 

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