Discours de Serge Lange, conseiller municipal, à Pontacarré, le 30 avril 2006

Discours de Serge Lange, conseiller municipal, Pontcarré, le 30 avril 2006

Source : www.mairiepontcarre.net

Poncarre est un petit village de l’lle de France situé dans la partie Centre-Ouest du département de Seine et Marne, à 12 km au sud de Lagny, à 15 km au Nord de Brie-Comte-Robert et à 30 km à l’Est de Paris.

Journée des déportés

Propos sur l’Esclavage

Nous voudrions en cet instant de la cérémonie attirer votre attention sur une nouvelle journée de commémoration qui vient d’être instituée et dont 2006 sera la première année de manifestation.

A la suite du 30 avril, puis de la fête de la Victoire du 8 mai, une cérémonie de plus, programmée le 10 mai prochain, qui tombe un jour de semaine,, risquerait de rester tout à fait confidentielle. La première journée de commémoration de l’abolition de l’esclavage et de la déportation de millions d’hommes mérite mieux que cela. C’est à ce titre et en accord avec les Anciens Combattants et victimes de guerre, qu’en cette journée consacrée au souvenir des déportés nous allons vous en dire quelques mots.

Le Président de la République a décrété que le 10 mai serait désormais la "Journée pour la mémoire de l’esclavage".

Nous ne parlerons pas de l’esclavage depuis l’Antiquité, mais d’une notion plus proche, car le moment est peut-être venu d’expliquer que si le mot « déportation » n’existait pas il y a 300 ans, il n’en demeure pas moins que globalement, on estime que la pratique de l’esclavage entre le 16 ème et le 19 ème siècle a privé l’Afrique noire d’environ 15 millions d’individus souvent jeunes, enlevés de force, ce qui en ferait la plus importante déportation de l’Histoire sur une longue période de 3 siècles. Evidemment, ces faits ne nous sont pas habituellement présentés sous cette forme à l’école, mais l’avantage d’être adulte et la réussite même de l’éducation, c’est de parvenir aujourd’hui à penser par nous-mêmes.

Depuis des décennies nous évoquons les horreurs de la Shoah et le supplice insupportable et intolérable des juifs d’Europe. Nous partageons leur douleur ainsi que celle de toutes les minorités qui ont été humiliées, torturées et massacrées pendant le conflit mondial, que ce soit les tziganes, les homosexuels, les infirmes, les communistes ou les noirs. Toutes ces communautés ont été persécutées par la folie de l’eugénisme, cette sélection mise en place par le nazisme et visant à supprimer de la surface de la terre tous ceux qui ne correspondaient pas à l’idéal nazi de race "aryenne".

Cette année, puisque le gouvernement nous incite à rappeler la triste période du commerce triangulaire et de l’esclavage, je vais vous décrire le destin très particulier des esclaves déportés depuis l’Afrique vers des plantations sucrières telles que celles exploitées dans les îles Antillaises, qui représentaient à l’époque une grande richesse économique. Les navires négriers organisaient, avec la complicité de certaines tribus et de trafiquants arabes, la capture des esclaves. D’abord le long des côtes Africaines, puis de plus en plus loin vers l’intérieur du continent. La cargaison ironiquement désignée sous l’appellation "Bois d’ébène" pouvait être estampée ; c’est-à-dire que dans ce cas les prisonniers étaient marqués au fer rouge.

En ce qui concerne les embarcations il s’agissait la plupart du temps de bricks ou de goélettes d’une longueur d’environ 30 mètres dans lesquels on entassait 700 à 800 captifs. Les entreponts de seulement 1,20 m de haut constituaient plusieurs couches superposées de lieux de détention.

Les prisonniers mâles portaient des fers aux chevilles et aux poignets. Ces malheureux étaient terrorisés par l’idée de naviguer sur l’océan inconnu pendant environ 70 jours de mer, sans beaucoup d’aération et devaient survivre parmi leurs déjections, surtout par mauvais temps en raison du mal de mer.

Sur certains bateaux, les prisonniers devaient rester couchés sur le côté, repliés sur eux sans pouvoir s’étendre. Un officier écrira : "C’est moins d’espace qu’un homme mort n’en occupe dans son cercueil".

Deux fois par semaine, les esclaves sont lavés à grande eau sur le pont. Hommes en femmes ont le crâne entièrement rasé tous les 15 jours. Malgré ces précautions les maladies s’installent : dysenterie, scorbut, Fièvre jaune, Variole. Parfois, un quart de la cargaison humaine pouvait mourir en cours de route.

Les femmes étaient au service de l’équipage dont elles devaient subir également les étreintes.

Les esclaves n’étaient pas reconnus comme des êtres humains. Sur le plan légal, ils étaient assimilés à des meubles ainsi que le précise l’article 12 du Code Noir établit par Colbert et qui définit ainsi le statut d’esclave : « Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté de biens, n’avoir point de suite par hypothèque, se partager également entre les cohéritiers sans préciput et droit d’aînesse ».

En conséquence, un beau nègre esclave de 22 ans, arrivé en bon état à la Martinique au 18ème siècle, pouvait se négocier sans problème autour de 2000 livres.

En cas de tentative de fuite, le Code noir prévoyait la punition appropriée, c’est-à-dire :
- Oreilles coupées à la première tentative
- Jarrets coupés à la deuxième
- La mort à la troisième évasion.

Sur les femmes, les hommes et les enfants, le maître avait aussi tout pouvoir et il pouvait exercer sur eux impunément les pires sévices que des pervers puissent imaginer. Si un esclave était surpris à vouloir apprendre à lire, on lui crevait les yeux.

Une première suppression de l’esclavage fut proclamée en France dès 1794 après la Révolution par la Convention Nationale ; mais elle fut sans effet sur la Martinique qui fut aussitôt occupée par les troupes Anglaises avec l’aide des grands propriétaires terriens. Après les tristes avatars napoléoniens sur le sujet, il faut attendre le 27 avril 1848 pour que la deuxième abolition soit signée à Paris.

Depuis cette date, les Antillais ont toujours répondu présent pour la Défense de la France au cours des différents conflits et ils ont abondamment versé leur sang pendant la guerre de 1914 -1918 Contre les Allemands, la guerre du Rif au Maroc 1921 – 1926, la deuxième guerre mondiale 1939 -1945, la guerre d’Indochine 1946 – 1954, la guerre d’Algérie 1954 – 1962.

La loyauté et le dévouement des territoires d’outre-mer au cours des deux guerres mondiales ont favorisé le vote de l’Assemblée Nationale du 19 mars 1946, qui érige la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion en départements français.

Les plaies se sont refermées sur les corps, mais il reste des cicatrices psychologiques qui nécessitent encore une ou deux décennies de confiance partagée pour se résorber.

En cette journée commémorative, je crois que nous pouvons être fiers des valeurs républicaines qui nous rassemblent et de l’abolition (c’est-à-dire la suppression) de l’esclavage dans l’organisation sociale de notre pays.

Encore une fois, nous pouvons rendre un hommage particulier à Victor Schoelcher, aujourd’hui au panthéon de nos grands hommes, dont les efforts et la ténacité ont pu aboutir à faire voter et appliquer l’abolition de l’esclavage par le gouvernement provisoire de la IIème République, après le renversement de la Monarchie (24 février 1848).

Une autre personnalité déterminante faisait aussi partie de ce gouvernement, il s’agit du grand savant physicien, mathématicien et astronome François Arago qui fut ministre de la Guerre et de la marine en 1848.

Nous devons les remercier d’avoir su faire cesser des pratiques dégradantes pour la condition humaine et pour la France, afin que la devise de notre nation puisse retentir honorablement, chargée de tout son sens, jusqu’aux confins du monde. Cette devise étant composée des mots désormais célèbres que sont : Liberté, Egalité et Fraternité.

Ces trois mots ne sont pas destinés à être seulement inscrits au fronton des mairies, mais à être gravés durablement dans nos esprits et dans nos cœurs pour écarter les oppresseurs ou les dictatures qui pourraient réveiller les anciennes tentations de la persécution et de l’asservissement de l’homme par l’homme, attitude incompatible avec la civilisation moderne et la dignité de la démocratie.

Méfions nous des dérives toujours possibles car comme le disait Albert EINSTEIN :

"Il est parfois plus difficile de briser un préjugé que de briser un atome… "

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