Grande-Bretagne

Au Royaume-Uni, l’année entière était consacrée au bicentenaire de l’abolition de la traite en 1807, et surtout le 25 mars 2007. Année particulière donc pour l’esclavage en Europe. Le 10 mai fut l’occasion, en France, de donner à cette commémoration un écho sans doute supérieur à celui qu’elle avait eu en mars dans les médias hexagonaux, et de comparer les situations des deux pays vis-à-vis de ce pan de mémoire partagé. C’est pourquoi un détour s’imposait pour le rapport du CPME de 2007. Le CPME note l’appropriation depuis plusieurs années par les musées et les équipements culturels du Royaume Uni de la traite et de l’esclavage, à travers des galeries permanentes ou des expositions temporaires, où l’objet témoin est confronté à une installation d’art contemporain. Les musées accueillent colloques et séminaires sur ces thèmes. La recherche, nous l’avions déjà signalé dans notre rapport 2005, est bien plus avancée au Royaume-Uni où les chercheurs ont développé des approches transversales et transcontinentales. Les travaux de ces recherches nourrissent le travail des artistes, et vice versa. Nous assistons à une diffusion plus ancienne et plus large de la connaissance sur ces thèmes. Cependant, il faut aussi noter que ces thèmes ne vont pas sans controverse, notamment autour de la place du racisme créé par l’esclavage colonial, dans les discriminations contemporaines. La comparaison doit donc tenir compte de tous ces éléments : une recherche plus ancienne, plus transversale, une intégration des thèmes de la traite et de l’esclavage dans les musées, mais aussi une perception chez les descendants d’esclaves d’une menace de régression révisionniste. Le site internet de l’ambassade de France de l’autre côté du Channel a publié l’allocution du président français de la République Jacques Chirac le 30 janvier 2006, où il annonçait la création de la journée du 10 mai, mais aussi celle d’un centre national de mémoires de l’esclavage. RFI, des sites sur la toile comme lesogres.org (article de Milton Dassier le 10 mai) ont rendu compte des actions menées de l’autre côté du tunnel. Grâce à l’action d’associations de la mémoire, les ports anglais ont enfin assumé leur mémoire coloniale et esclavagiste, en touchant l’intérêt du grand public. Ce pays s’était déjà doté d’un Caribbean Center à Londres, davantage tourné vers l’actualité de cette zone, dont les migrants et immigrants sont fortement représentés au Royaume-Uni et concentrés dans certains quartiers. Plus de 50% des originaires de la Caraïbe vivant au Royaume-Uni sont dans le seul Inner London, et surtout dans le fameux quartier jamaïcain de Brixton, Lambeth. Plusieurs associations ont regretté que l’Angleterre se donne le seul rôle dans l’abolition de la traite, minimisant le rôle fondamental des captifs qui se révoltaient, qui refusaient la servitude. Elles ont aussi souligné l’absence de réflexion sur les conséquences actuelles de cette saignée du continent africain. Tony Blair, Premier ministre, sur BBC News, a affirmé que la Grande-Bretagne assume sa part de responsabilité dans l’esclavage, en regrettant qu’il fût légal à cette époque. « It is hard to believe what would now be a crime against humanity was legal at the time » (Il est difficile de croire que ce qui est aujourd’hui un crime contre l’humanité était légal à l’époque).

L’ONU pour sa part a fait du 26 novembre 2006 , par une décision, une date particulière du 25 mars.

Communiqué du 26 novembre 2006 : "L’Assemblée générale des Nations-Unies, a décidé que le 25 mars 2007 serait la Journée internationale de commémoration du bicentenaire de l’abolition de la traite transatlantique. Les États Membres ont rappelé que la traite des esclaves et les séquelles de l’esclavage sont au cœur de situations d’inégalité sociale et économique profonde, de haine, d’intolérance, de racisme et de parti pris dont continuent de pâtir à ce jour les personnes d’ascendance africaine.L’objectif de cette journée est d’honorer la mémoire de ceux qui ont péri à cause de l’esclavage, notamment en subissant les horreurs de la traversée de l’Atlantique, en se révoltant et en résistant à leur asservissement. Elle vise également à promouvoir l’enseignement aux générations futures de l’histoire et des conséquences de l’esclavage et de la traite des esclaves".

Londres

Le Musée des Docklands (London Museum in Docklands), installé dans un entrepôt autrefois consacré aux produits importés des plantations caribéennes, a ouvert le 10 novembre 2007 une galerie « Sucre et Esclavage », premier lieu permanent consacré au rôle de la capitale dans la traite transatlantique et à cette forme de servitude. Le musée avait également annoncé son intention le 22 mars 2007 de présenter sa candidature à une inscription transnationale sur la liste du patrimoine mondial (projet Unesco- Route de l’Esclave avec partenaires en Afrique et en Barbade).

En 2007, le bicentenaire de l’abolition de la traite, fin de 400 ans d’esclavage, fut marqué par une série d’actions sur toute l’année. 40e anniversaire du Carnaval de Notting Hill avec costumes, photographies et vidéos, débats sur l’identité, l’impact de l’Empire et de la colonisation. Le musée de Victoria et Albert, Londres (The V&A), South Kensington, London, musée d’art et de design fondé au XIXe siècle, avait organisé en 2004 une exposition Black British Style. En 2007, le Victoria et Albert a ouvert l’exposition Uncomfortable Truths : The Shadow of Slave Trading on Art & Design, avec les œuvres de onze artistes internationaux : El Anatsui, Tapfuma Gutsa (Zimbabwe), Romuald Hazoumé (Bénin), Anissa-Jane, le vidéaste américain Michael Paul Britto, Lubaina Himid, Christine Meisner, Keith Piper, Yinka Shonibare MBE, Julien Sinzogan, Fred Wilson.

L’exposition posait des questions dérangeantes, dont les réponses ne sauraient être définitives : pourquoi l’esclavage est-il si souvent abordé comme déconnecté du présent ? pourquoi la traite transatlantique apparaît-elle comme une question « noire » plus qu’une question humaine se posant aux blancs comme aux noirs ? pourquoi des dates (et pourquoi ces dates) de commémoration ? comment entendons-nous les rôles respectifs des bourreaux et des victimes vus de notre point de vue actuel ? qu’apprendre de l’histoire de la résistance à l’esclavage ? comment l’esclavage a-t-il bénéficié (ou pénalisé) le monde où nous vivons actuellement ? etc. Pour ces artistes, l’esclavage n’appartient pas qu’au domaine de l’écrit, les œuvres d’art contribuent à sa connaissance et au débat.

L’exposition comprenait également des espaces avec des objets et illustrations sur les produits de consommation de l’élite liés à la traite, chocolat, café, tabac, sur les serviteurs noirs dans les foyers britanniques, la Grande-Bretagne et les Indes de l’Ouest, les représentations de l’esclavage et de l’abolitionnisme, l’or et les esclaves. Bristol

Bristol a ouvert en 2002 un grand musée de l’Empire et du Commonwealth, qui expose 500 ans d’histoire, de la colonisation à l’actualité, en passant par l’esclavage (Bristol compte une importante population d’origine caribéenne). Il a accueilli en 2007 l’exposition « Breaking the chains », pour laquelle est prévue une tournée internationale.

Liverpool

En 1994, Liverpool ouvre la Transatlantic Slavery Gallery dans son musée maritime, la première du genre au monde, et s’est dotée en 2006 d’un centre international de recherche sur l’esclavage, lié à son université, et le 23 août 2007, jour international fixé par l’Unesco, à l’occasion du bicentenaire de l’abolition de la traite transatlantique, d’un musée international de l’esclavage (Liverpool International Slavery Museum), sur les quais.

Illustration : Exposition "Les Vérités inconfortables". Œuvre de Yinka Shonibare. © Musée Victoria et Albert, Londres.

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