10 mai 2006. Discours préfet de l’Ariège au lycée Gabriel Fauré de Foix.

Préfecture Ariège http://www.ariege.pref.gouv.fr/page.asp ?pg=actu&chap=actualite&PK_actualite=147

10 mai 2006 - première journée nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage. A l’occasion de la première journée nationale de commémoration de l’abolition de l’esclavage, Monsieur Yves Guillot, préfet de l’Ariège, en présence de M. l’Inspecteur d’Académie, a présidé la cérémonie qui s’est déroulée au Lycée Gabriel Fauré de Foix, au cours de laquelle les élèves ont lu des textes littéraires rappelant les longues et terribles « nuits sans nom » et « sans lune » qui furent celles des esclaves.

Discours du préfet :

Journée de commémoration nationale du 10 mai, journée des mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions Lycée Gabriel Fauré, Foix, 10 mai 2006.

Monsieur l’Inspecteur d’Académie, Madame le Proviseur, Mesdames et Messieurs les professeurs, Mesdemoiselles et Messieurs,

C’est avec une conscience aiguë de l’importance de notre réunion de ce matin que je m’adresse à vous.

En effet, cette journée du 10 mai 2006 est la première au cours de laquelle, dans chaque département de France, nous commémorons « les mémoires de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions ».

Cette journée commémorative doit être sur tout le territoire national l’occasion d’une réflexion commune sur tous les aspects de l’esclavage et tout particulièrement sur son influence dans l’histoire de notre pays et de nos départements d’Outre-Mer.

Proposée par le « Comité pour la mémoire de l’esclavage » institué par la loi du 21 mai 2001 et retenue par le Président de la République, cette date du 10 mai est celle de la proclamation du commandant Delgrès, officier de l’armée républicaine, qui en 1802 préféra mourir que d’accepter le rétablissement de la servitude.

En effet 158 ans à peine nous séparent de l’abolition définitive de l’esclavage en France : la traite négrière abolie une première fois sous la Révolution fut rétablie par le Consulat et il fallut attendre le rétablissement de la République pour que l’abolition devienne définitive par décrets du 27 avril et 23 mai 1848.

Pour répondre au besoin de main d’œuvre, du XVIème au XIXème siècle, les pays européens dont la France ont déporté vers les Caraïbes et l’Océan Indien des millions de captifs africains. Ils furent 15 à 18 millions à traverser les océans mais ils furent cinq fois plus nombreux à y perdre leur vie : les uns sur la terre d’Afrique, lors de leur capture ou dans les convois vers les zones côtières, d’autres dans les entrepôts, d’autres encore au cours de la traversée, terrassés par les famines et les maladies ou victimes de leurs révoltes sur les bateaux négriers.

Quittant l’Europe depuis Liverpool, Bristol, Le Havre, Saint-Malo, Lorient, Nantes, Bordeaux ou Lisbonne, chargés de marchandises d’échange (armes, alcool, étoffes), les navires négriers longeaient la côte africaine, du Sénégal à l’Angola pour y charger leur cargaison d’esclaves.

Au terme d’une traversée longue parfois de plus de deux mois, ils accostaient aux ports du Brésil, de la Guyane, des Caraïbes ou des Etats-Unis... D’autres circuits s’organisaient depuis de Sud de l’Afrique et de Madagascar vers les îles de La Réunion ou de Maurice. Dans les mines comme dans les plantations, l’esclavage était une mort sociale. Le captif était dépossédé de toute identité. Le maître dont il était la propriété avait droit de vie et de mort, fixait son régime de travail et de châtiment. Les « coutumes coloniales » faisaient loi et les assemblées de planteurs faisaient fi des réglementations du pouvoir central. Productivité et violence régissaient la vie de l’esclave. La règle qui prévalait était celle de l’exploitation maximale de la main d’œuvre et de son renouvellement régulier par la traite.

Aujourd’hui, la très grande majorité de nos compatriotes des Antilles et de La Réunion est convaincue que cette violence originelle, que cette blessure identitaire, continue d’être très largement ignorée, négligée, marginalisée.

Nos concitoyens d’outre-mer perçoivent cet état de fait comme un déni de leur propre existence et de leur intégration dans la République.

Ils attendaient de l’Etat, au-delà de tous clivages, un acte symbolique fort et des actions de reconnaissance de leur singularité.

Cette journée nationale de commémoration du 10 mai est une réponse à cette attente. Elle doit être comprise comme un aboutissement des luttes contre l’oubli et le silence, des luttes commencées par les esclaves - les premiers abolitionnistes- et poursuivies par les mouvements anti-esclavagistes, les populations d’Outre-Mer, les intellectuels et les élus.

Cette journée doit nous permettre de nous rappeler l’héritage de l’esclavage, la souffrance de la déportation, de l’exil, de l’asservissement mais également la créativité qu’expriment les langues et les cultures créoles et qui sont une des richesses de notre nation.

Elle doit nous permettre de mieux vivre ensemble dans une communauté nationale diverse dont la cohésion repose sur la reconnaissance de l’identité et de la dignité de chacune de ses composantes. Elle n’est pas la reconnaissance d’un quelconque communautarisme, mais la volonté de panser les plaies d’une période sombre et honteuse de notre histoire.

Cette journée doit nous permettre aussi de célébrer les apports des combats menés par les esclaves pour plus de justice, plus de liberté et plus de démocratie, car ces combats appartiennent à notre patrimoine collectif.

Cette journée doit nous permettre enfin de réfléchir aux formes d’asservissement modernes – prostitution, travail des enfants et autres formes de servitude- qui continuent aujourd’hui encore à insulter, à nos portes, la dignité humaine.

Je sais le travail de réflexion que vous avez mené depuis plusieurs jours avec vos professeurs pour préparer cette journée et je tiens à vous exprimer mes remerciements et ma satisfaction d’être parmi vous ce matin.

Merci de votre attention.


 

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